L’objet : canal de communication entre le designer et l’utilisateur
Yannou, 2004)
Comment étudier cette question ?
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Le designer n’est pas un pur esprit : il doit rencontrer un environnement tangible et humain qui lui permet l’exploration mêlant dans un même mouvement l’imaginaire et le réel. Cet environnement c’est celui qu’il trouve dans des « dispositifs ». Pour comprendre ce concept de dispositif et surtout son lien possible avec le design, il faut dépasser sa dimension strictement contraignante.
Grâce à la thèse de Rose Dumesny, j’ai relu le texte d’Emmanuel Belin : Belin_bienveillance_dispositif dans la revue Hermès, n° 25, 1999, pp.245-259, qui visite les concepts de dispositif et de médiation.
Foucault présente ainsi le dispositif : « un ensemble résolument hétérogène, comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions règlementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques, bref : du dit, aussi bien que du non-dit, voilà les éléments du dispositif. Le dispositif lui-même, c’est le réseau qu’on peut établir entre ces éléments ». (Surveiller et Punir, 1975)
Comme Foucault s’intéresse aux prisons et aux hospices pour fous, les dispositifs sont présentés essentiellement comme des systèmes de contrôle où la créativité n’est pas le maître mot. D’ailleurs, la plupart des textes présentent le dispositif sous sa forme contraignante, expression d’un pouvoir dominant qui se matérialise dans les institutions, les langages, les dimensions matérielles et symboliques de la vie quotidienne (Agamben Qu’est-ce qu’un dispositif ?, 2007).
Même de Certeau (L’invention du quotidien. T1 Les arts de faire, 1980) n’échappe pas à cette vision puisqu’il décrit les formes d’évitement, de braconnage, de détournement de ces structures sociales qui s’imposent à nous.
Mais, Belin propose de montrer l’autre face du dispositif : sa face pas seulement « dis_ » mais « _positive » c’est-à-dire un milieu qui n’est ni dedans ni dehors, ni fantasmatique ni brutalement déterminé par la réalité, qui est le lieu d’articulation de notre imaginaire et du monde réel, un milieu actionnable : reconfigurable, jouable, explorable.
Belin remarque que la vision centrée sur le pouvoir laisse trop vite de côté ce que les dispositifs nous permettent de dis-poser, c’est-à-dire de tenir à distance pour mieux explorer. Il ne nie pas l’expression des enjeux de pouvoir mais analyse ce que ces dispositifs, à la fois en dedans et en dehors de nous, nous permettent de faire.
« Une telle définition [celle de Foucault] nous semble renvoyer à la description de dispositifs concrets mais non à la place de l’acte de disposer, de prendre ses dispositions, que nous voulons mettre en avant ici. Le dispositif foucaldien, en somme, correspond à la notion de réseau et répond à une volonté de traiter beaucoup de choses en même temps ; notre approche, au contraire, consiste à distinguer, dans tous les éléments qu’il donne, certains gestes qui reposent moins sur l’édiction d’une loi que sur la mise en place de conditions. »
Pourquoi est-ce important pour le design ?
– parce que la théorie de Belin, inspirée de Winnicott, relie imaginaire et tangible d’une façon convaincante.
– parce que cette théorie renforce le modèle médiologique du design : les médias sont des matériaux à la fois tangibles et porteurs d’imaginaires qui nous permettent de créer de nouveaux mondes dans un entre deux : celui de notre subjectivité et celui de nos environnements. Penser les médias et les médiations est ainsi indispensable à une meilleure compréhension du design.